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Il y a un an, mon père est mort

Je suis de retour du cimetière où j’ai accompagné ma mère en cette date anniversaire la moins joyeuse au monde.  Quoiqu’on en sait fichûment rien et de là nos préjugés les plus tenaces. 

En tout cas, juste au cas, bonne fête pôpa, pour ton premier anniversaire de l’autre coté du grand miroir de la vie.  J’espère qu’ils t’ont fait un beau party, comme celui de tes 50 ans, avec du brandy à l’orange et des rires bien fous, si jamais il y a des ‘on’, de la conscience, un keke chose que je ne peux imaginer qui t’accompagne, t’entoure, te dirige.  

Mais je me doute ben qu’il y a rien pantoute, juste la sainte paix, parce que le grand rien, ça doit être ça, la sainte paix.  Comme quand j’ai perdu conscience dans le restaurant,  il y a une couple d’année pis que les pompiers croyaient que j’avais fait un arrêt cardiaque, tel père telle fille… Ce serait trop beau!  Non, j’ai juste fait je ne sais quoi, personne ne me l’a dit…  Pis le feeling de partir, on le sent pas, ça arrive pis on le sait pas, on déconnecte… On déconne... On part, pis c’est presque bon!   J’espère juste que t’as vécu ton départ comme ça, inconsciemment pis que c’était presque bon.  Je le souhaite vraiment!

Oui, déjà un an... Pis tant qu’à y aller dans le cliché, crisse que le temps passe vite!  Je n’en ai pas parlé, je n’ai pratiquement rien écrit sur le sujet depuis un an.  Pas que j’ai rien à en dire où que j’y pensais pas, je suis pas sans cœur quand même!  Juste que ce genre d’émotions là, ça me semble difficile de les partager dans le grand nowhere, à des inconnus qui s’en fouttent, au grand rien du web.  Pis en plus, je me sentais assez mêlée …  Mais je sais que des gens, plus ou moins proches, liront ceci, et il y a un an, j’en n’avais pas envie.  Là, ça va, je peux me permettre de dire, de penser tout haut plutôt que tout bas, à nos rituels, à nos peurs, à nos manques.

Nos rituels, ouin…  Quand ma mère m’a annoncé le décès de mon père, un jeudi matin à 8 heures ou à peu près, j’ai rushé, beaucoup!  Mais il y a rien qui m’a plus choqué que l’aventure du salon funéraire!  Déjà que de rencontrer, encore sous le choc, le monsieur qui s’en câlisse comme de sa première couche, pour organiser la chose, est une épreuve en elle-même, le ‘faire’ est un summum de cruauté, du moins à mes yeux.  
Quand j’ai vu mon père, ou plutôt ce qu’il en restait, dans le cercueil, blême à faire peur aux fantômes, il y a eu un gros NON dans ma tête.  Ceci n’est pas mon père!!  Stu clair?  Mon père est un homme à la peau foncée…  Non il n’est pas noir, mais il est très foncé, il a le teint des Amérindiens, rien à voir avec ce mannequin plâtré que je vois devant moi!  Mon père est un homme taquin, un homme qui rit en dedans, tout le temps ou presque, un homme au cœur grand comme le monde, pas ça, non,  pas ce que je vois là, c’est juste pas possible.   J’ai comme ‘back off’… Je n’ai vraiment pas associé ce que je voyais à mon histoire, à mon connu.  Ça n’avait rien à voir!! Et ça ne s’arrange pas avec le temps.  Mon père n’était pas dans ce cercueil, je le sais, point à la ligne pis on en parle plus!

Pis le monde!!! Oh le monde!!!!   Oui, la famille, ça va... Les cousins, cousines que je vois une fois par trois lunes pis encore, ça va… Mais la gang de ché pas qui??  Sti, mon père se déplaçait à la vitesse d’un escargot sur le valium, il ne voyait quand même pas tout ce monde là sur une base régulière??  Sont qui?? Ils veulent quoi??  Ça l’air que ce sont des gens qu’il voyait à chaque semaine… Les poches, les quilles… Seuls loisirs possibles en dehors de la télé, quand votre corps décide que bouger, c’est trop demander.  Bon ok, sont une cristie de grosse gang à jouer aux poches non? ... Mais moi, ça me heurte c’est trop, j’ai envie de vivre ça dans le privé, c’est mon père pas le vôtre, faque câlissez donc votre camp chez vous,  gang de voyeurs sans morale!  Ben oui, je suis possessive comme ça, même dans le malheur, le manque, comme je l’étais avec mon grand-père qui me donnait des passes pour aller à ‘Jeunesse d’Aujourd’hui’, il y a longtemps, tellement longtemps, j’avais 13 ans… Je voulais pas que les autres ados l’appellent ‘grand-papa’ pour obtenir ses faveurs, qu’il leur offre le petit papier pour assister au show de nos vedettes quétaines à chier.  Ça me brûlait en dedans quand des filles inconnues se donnaient le droit de se faire passer pour mes amies, histoire de… Là, c’est encore pire, c’est mon père sti, pis y est mort!!! Enlevez vos sales pattes de là, il est à moi, vous le connaissez même pas!!!  C’est ma peine à moi, c’est mon manque à moi, pas le vôtre!!!   Laissez-moi donc brailler tranquille, sans vos regards, vos paroles de réconfort vides comme le néant dans lequel je me trouve projetée!!!!  Sti, mon père est mort, vous voulez quoi?  Un sourire??  Ben oui, il y en a eu des sourires…forcés… obligés, chu pas une totale sauvage, même si... 

Oui, mon père est mort.  Et pour un moment, je me suis inquiété pour lui.  Il est où, il fait quoi? Il se passe quoi une fois parti?  J’ai eu peur pour lui… Et si, et s’il trouvait pas son chemin?  Et s’il marchait pas assez vite?  Et s’il savait pas, voulait pas, ché pas moi, sti, je connais pas ça, la mort, mais je connais mon père, pis vous l’embarquerez pas dans n’importe quoi!   Et puis le rationnel a fait sa job.  Mon père est mort, il n’a nulle part où aller, il est mort, c’est juste le cours logique des choses, on vit on meurt, on vient de rien on retourne à rien, point!   Pis en même temps, une partie de lui est vivante, en moi, en mon frère, en mes enfants.  J’ai eu un flash terrible la semaine dernière, en voyant mon père, dans les actes de mon fils.  Ma fille devait aller à une ‘date’, feux d’artifices, j’en parle à fiston, lui demande s’il est occupé, tsé, sneaky mom qui veut être sûre que sa fifille est ok!  Il me dit bof…trop de monde là-bas… Mais le soir même il m’envoyait des vidéos des feux d’artifices!!   En plein le genre de mon père ça! ‘Bof, niaise donc, t’es pas sérieuse là’, mais finalement, est fait ce qui semble nécessaire ou presque… Mon père était un homme rassurant qui avait le bien-être de sa famille à coeur!  Mon grand a hérité de ça, on dirait!

Pis, il y a eu toutes les premières fois sans.   Pour ma mère tellement pire que pour moi!  Mais quand même… Premier anniversaire (celui de ma mère) sans lui (yo, dur de dur…sti.. que je savais pas quoi faire!!!), premier Noël sans lui, avec ma mère chez moi, qui pleure et qui pleure, premier jour de l’An sans lui, avec  ma mère chez moi, et qui pleure et qui pleure, crisse, mon frère t’es ou? Oh secours!!) premier 5 janvier (sa fête à lui sans lui) , là je sais pas, j’ai comme oblitéré ce jour là, m’en rappelle plus, ça devait être trop hard, première St-Valentin sans lui , le champion des mots d’amour, des cadeaux pas d’allure genre voyage dans le Sud, des fleurs et du chocolat (il l’aimait, ma mère, sti que c’est beau après 55 ans de mariage, avouez donc,on est tous jaloux!!!),  premières Pâques sans lui, première vacances dans le Sud sans lui (pour ma mère, à qui j’ai offert de venir avec moi... Pas facile,  ça pleure au déjeuner, ça pleure au souper, ça s’ennuit parce qu’on a pas grand-chose à se dire, désolée, c’t’avec mon père que je m’entendais le mieux pis avec lui, j’avais même pas besoin de parler, mais c’est ok, tsé, je comprends), première fête des Mères, première fête à moi ( j’ai pleuré beaucoup, toute la journée, popa me souhaitera plus jamais bonne fête!  Sti que je suis bébé lala, gâtée pourrie!  M’en foue, je m'ennuie de mon père qui disait jamais plus que trois mots au téléphone pis qui passait l'appareil à ma mère!), première Fêtes des Pères (ô misère, j’en peux pu!!), premier anniversaire de mariage, et on en est là… première année sans lui… pis c’est pas évident.  

Je serais pas du genre à aller au cimetière, je suis encore et je serais toujours, je crois, convaincue que mon père n’est pas là, que je le porte en moi!  Mais je sais que ma mère y sera et je sais qu’elle vit ça rough, donc, je suis là, pour elle ben plus que pour moi.  La voir lui laisser des billets doux dans la corbeille de fleurs synthétiques est d’une immense tristesse!  C’est comme si elle l’attendait encore, comme si elle  l’attendra toujours, sous une forme ou une autre, pour le moment sous celle des libellules qui sont, croit-elle, les messagères des décédés,!  Misère, à quoi nos esprits se raccrochent pour garder un semblant de santé dans ce monde!)

Ma mère en est à lire tout et n’importe quoi sur la mort.  À l’entendre, mon père en a encore pour un boutte à ramer, il doit se réincarner.  Il y a personne pour interdire l’édition de ce genre de conneries?  Pourquoi croire à ça, alors que personne, mais personne n’en sait crissement rien?  Pourquoi ne pas juste croire au grand silence, à la paix, tsé, la Sainte paix? Celle qui est faite de rien, de rien qui fait mal, de rien qui fait du bien?  Juste…rien…  Juste le silence et la paix.

Popa, c’est que je te souhaite, après un an dans le grand rien..  la paix... juste la paix de ceux qui savent.


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