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Miss de rien

Je n'en ai pas parlé, presque pas.  Parce que ça me faisait un peu honte quelque part, dans ma féminité libérée, dans mon idée de ce que nous étions et de ce que nous sommes, filles, femmes du XXIème siècle.  Parce que ça fait 'wannabe', ça fait peu sûre de soi, ça fait 'regardez-moi, j'existe', ça fait 1960, Charlebois et 'J'cours les concours y paraît que j'ai toute pour...'

Bref, ma fille s'est incrite à un concours de 'miss' qui s'est terminé samedi dernier, yeah, enfin!

Depuis octobre que nous étions tenus en laisse, à la merci d'activités connues à la dernière minute ou presque.  Le tout agrémenté de dépenses à tout venant, sorties ici et là, achats des dvd de photos, d'une robe de soirée, de robes cocktail, tsé, elle en porte tellement souvent, ça va maintenant moisir dans le placard!

On me dit que j'aurais pu refuser, que j'aurais pu dire 'non ça va pas la tête!'.  C'est pas moi, je suis pourrie pour dire non et je crois sincèrement que chacun doit faire les expériences qu'il choisit lui-même pour avancer.  Donc, d'accord, pas d'accord, je laisse filer en me croisant les doigts, souhaitant très fort que la lumière jaillisse et que quelque chose de positif sorte de l'événement.  On m'a aussi assuré que c'était tout arrangé, que la gagnante était choisie avant même le début des paris, mais coudonc, ça on le saura jamais à moins que quelqu'un qui le sait vraiment l'évente et pis quelque part, je m'en fous un peu.  Elle s'est donc engagée à faire le dit concours!

Ça veut pas dire que je parle pas, que je dis pas ce que j'en pense, ça veut juste dire que je respecte le choix de la personne. La condition que j'émets quand il s'agit de ma fille, c'est qu'elle aille au bout de son choix.  Pas question de reculer, de changer d'idée en cours de route.  Quand on choisit on assume.  Et elle a choisit de s'inscrire, malgré mes réticences.

Au début, ça été pas mal tranquille, pas de nouvelle pendant des mois, et puis au cours de l'été, ça c'est mis à être un peu plus demandant.  Journée à la plage, journée aux quilles, journée de cours de ci et de ça, croisière.  Et puis octobre est arrivé et là, ce fut le premier gala.  Naturellement, on a dût passer par la coiffeuse lissante et la faiseuse d'ongles incassables avant, c'est un peu obligé.  Dans sa catégorie, cinquante jeunes filles ont été choisies sur une bonne centaine sinon plus, et naturellement, elle fût l'une d'elle, le contraire eut été étonnant.

Premier gala, où on se la joue Ginni avec la grande couette de faux cheveux


Bon, on remet ça pour une autre fois en décembre, deuxième gala, là où 12 jeunes filles seront choisies sur les cinquante restantes.  Ma fille a été très raisonnable et n'a pas voulu d'une seconde robe de bal.  Faut dire que celle achetée en octobre, simple et très belle, lui va vraiment bien et qu'on ne l'imagine pas du tout déguisée en princesse de Disney avec des tonnes de falbalas!  Par contre, cheveux et ongles ont été revisés selon le goût du jour, lisses et roses pas si naturellement.

Deuxième gala pour le choix des douze finalistes


Et encore une fois, elle fut parmi les finalistes!!  Là, j'ai commencé à paniquer un peu, parce que se retrouver parmi les douze finalistes, ça veut dire que t'as des chances de te rendre au bout. Ça veut dire que t'es dans le peloton de tête.  Pis ça me tentait pas.  Ça me tentait pas parce que ça voulait dire qu'on remettrait ça l'an prochain, que ma fille devrait être présente avec son 'beau' diadème à toutes les rencontres, même celles qu'on a loupé par choix cette année, pour encourager et coacher les petites nouvelles,  J'avais juste envie qu'on s'en sorte sans responsabilité aucune, que l'expérience soit derrière nous pour de bon.  J'allais pas le dire tout haut devant elle, bien entendu, mais quand son nom a résonné au micro, dans la salle comble du Rialto en cette soirée glaciale de décembre, j'ai lancé un retentissant 'FUCK' que tout le monde a pris pour de l'enthousiasme, alors qu'il s'agissait de désespoir.  Non mais on va tu s'en sortir un jour de ce niaisage là?

Je dis pas que c'est entièrement négatif, ma fille a rencontré plein de filles de partout au Québec, des gens de différents milieux, certaines autrement politisées qu'elle ne l'est, ça ouvre des horizons, certaines avec des problèmes de confiance en soi, des problèmes scolaires, des problèmes de santé graves, ça donne de la perspective. Elle a aussi vécu des événements uniques à celles qui participent, mais moi, j'y vois l'étalage de chair fraîche qui veut donc se faire dire qu'elle est belle et bonne pis qu'elle sent bon même si c'est une évidence .  Ça me heurte les sentiments des quarante dernières années, ceux de mon émancipation, de mon rejet du moule de la Barbie makeupée juqu'au nombril, mais bon, il ne s'agit pas de moi.  Je veux juste pas que ma fille tombe dans le piège du 'sois belle et tais-toi', c'est simple de même!  Et pourtant, on remettait ça pour une troisième manche.  La dernière, mais une qui m'a royalement tapée sur les nerfs pour cause de pression avec la demande des votes du public! Oui, pour un beau gros 20$ les gens de partout pouvaient déposer 200 votes pour la candidate de leur choix, belle manière de plumer les parents et la famille !  Mais coudonc, faut ben qu'ils vivent, les organisateurs!

Votez pour moi, c'est juste 20$!!!


Encore une fois, ma belle refuse de porter autre chose que sa super robe, vraiment, elle est une vraie mère Économe!  Et le temps passe, jusqu'en mars, sans trop de sorties en rapport avec l'événement. Elle fait de nouvelles rencontres, des filles métissées comme elle, elle apprend, elle grandit, elle vieillit, elle prend des positions politisées sur des événements auxquels elle n'aurait pas porté attention il y a six mois.  Et puis, à un mois du gala final, elle me dit qu'elle n'a plus envie de participer, que ça l'emmerde, qu'elle en a assez, que c'est con et plate.  Je respire un grand coup, faut que je m'en tienne à mes principes malgré mon soulagement et oui, je lui dis qu'elle doit finir, qu'à un mois d'avis, c'est pas très sérieux de tout laisser tomber.  Et au gala nous allons, en ce samedi de mars, ma fille avec les cheveux en bataille, pas d'effort de coiffure cette fois, pas de cheveux lissés au fer plat et à l'huile de je sais pas trop quoi, ni d'ongles plastifiés.  Je suis franchement épatée, heureuse pour elle qu'enfin le diktat de la chevelure raide soit tombé, qu'elle se trouve belle avec ses cheveux au naturel, c'est tellement plus sain!

Photo de très mauvaise qualité, mais c'est tout ce que j'ai pour le moment


Les filles se présentent sur scène et on leur pose une question.  Quel dicton te représente le mieux?  Et la mienne d'y aller de son bilinguisme parfait, disant que 'A winner is a dreamer who never gives up' parce que oui, elle est persévérante, quand elle décide d'obtenir quelque chose, elle prend les moyens pour arriver à ses fins, et souvent, à ma grande surprise, ça marche comme elle veut!  Une petite pose et les cinq finalistes seront nommées.  Et voilà qu'elle passe cette étape, encore une fois!  Elle se retrouve parmi les cinq finalistes pour le vrai de vrai moment final!  Je suis surprise, parce que je sais qu'elle ne veut plus, mais peut-être que rendu là, c'est difficile de se dire qu'on y ira pas plus loin?  Les autres candidates passent et enfin la dernière question qui tombe comme un couperet.  'Quel est le défaut qui a parfois du bon chez toi?'  Ma fille vacille.  Ben quoi, elle en a pas de défaut!  Sérieux, elle le croit, et moi aussi!!  Quelle sorte de question à poser?  Ma fille ne sait vraiment pas quoi dire et finalement s'en sort d'une pirouette avec le fait qu'elle est trop gentille, qu'elle ne se défend pas bien parfois... et l'autre bout de la réponse reste suspendu dans l'air balayé par les spotlights.  Et là, j'ai su que c'était probablement fini, mais on nous a quand même tenu en haleine jusqu'au bout.  Elle n'a pas été nommé pour les deux titres de dauphines.  Elle étaient trois, en attente, deux brunettes, l'une basanée, l'autre blanche et une blonde.  Là j'ai eu un doute, si elle n'est pas dauphine, c'est qu'elle gagne?  Trouble et anxiété!!

Mais non, c'est la blonde qui a gagné, une fille que personne n'avait remarqué, dont personne autour ne se rappellait, une petite souris à l'air de Carrie White, sourire sans lèvre, en robe rouge passé, semé de brillants gros comme des oeufs.

J'avoue que ça m'a fait un pincement au coeur, malgré mes réticences et mon peu d'enthousiasme.  C'est jamais facile de voir son enfant relégué au quatrième plan même lors d'un concours quétaine comme celui-là.  Je suis contente qu'elle se soit rendue jusqu'au bout tout en prenant conscience de ce qui se passe réellement dans ce genre de compétition et surtout qu'elle se présente avec sa tête de tous les jours lors de la dernière journée, ça m'a vraiment ravi.

Mais je sais très bien pourquoi elle n'a pas gagné, elle ne voulait simplement plus, parce que quand elle veut, elle y arrive!!

Ma belle Miss de rien (le mot est d'elle) a gagné en conscience et en sagesse, ça vaut mille fois plus qu'un diadème en plastique!


Commentaires

  1. C'est une belle histoire, et ta fille est magnifique. Et de physique et de sagesse.

    Mais...

    ''La condition que j'émets quand il s'agit de ma fille, c'est qu'elle aille au bout de son choix. Pas question de reculer, de changer d'idée en cours de route. Quand on choisit on assume.''

    Je serai jamais d'accord avec ça. On continue souvent juste parce qu'on a commencé. C'est pas obligé. ;-)

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    1. Je comprends ton point de vue et il est valable jusqu'à un certain point. Moi je commence plein de trucs, je ne finis malheureusement jamais rien, ce n'est pas très productif. C'est peut-être ce que je tente de lui éviter, cordonnier mal chaussé, mais je conçois très bien qu'on puisse changer d'idée, surtout quand on se plante ben creux, quand assumer devient se couler.

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