Tous respirent à nouveau, une fois le silence revenu. Ils se mettent en route vers la maison d’Ava où mijote l’eau de la source voisine, recueillie le même jour. Chacun jette son offrande dans la marmite, la tête pleine de souvenirs de douce sérénité, mais aussi de rêves de joyeux lendemains paisibles. Bientôt, les bouillonnements grossissent et débordent les frontières permises. Des rigoles de liquide brûlant se déversent sur la terre battue, forçant le recul de notre petite tribu forestière.
Un bruit de commotion agite soudain le sous-bois. Et craquent les branches et piaillent les perdrix, et nous alarment les écureuils du haut des arbres. Sidérés par l’appréhension, tous s’immobilisent à l’image des joueurs de “Bleu Blanc Rouge”, qui une patte de travers, l’autre le nez en l’air, jonglant avec une noix suspendue entre deux temps, en plein élan dans un cocasse tableau illustrant la panique. C’est le vacarme causé par le véhicule tout terrain du chasseur, cette bête gigantesque, crachante et hurlante, décimant tout sur son chemin, creusant de profondes ornières en guise de sentier. Il s’éloigne déjà, ne semble pas avoir conscience de la vie secrète de la forêt tout près.